Pâtisserie à l'anglaise
- Philippe ALEXANDRE
- 19 avr.
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 sept.
Introduction
Nous nous intéressons à la famille d'Antoine Fouquerolles et de Madeleine Debacq .
Ce sont les ascendants à la huitième génération de mon épouse. Ils sont originaire de Clermont (Oise) et demeurent à Gournay-sur-Aronde (Oise) depuis trois générations.
Un mot sur le patronyme Fouquerolles car il est très peu courant. Il est originaire effectivement de la région de Clermont dans l'Oise et en particulier de Breuil-le-Vert juste à côté. Les autres sont à Paris et autour de Gournay-sur-Aronde. Il existe également une ville Fouquerolle dans l'Oise, à mi-chemin entre Clermont et Beauvais. Du point de vue orthographique, les fouquerolles s'écrivent plutôt Foucrolle quant on remonte au 17e siècle.
Antoine et Madeleine se sont mariés en 1786 et ils ont eu douze enfants de 1786 à 1811 à Gournay sur Aronde.
Six enfants ont atteint l’âge adulte : cinq se sont mariés et un seul, Thomas Magloire, a servi dans les armées napoléonienne sans laisser d’autre trace de descendance. Les sept autres enfants sont décédés soit à la naissance soit en très bas âge dont des faux jumeaux, Aimable Caroline et Alexandre Joseph. (Plus de 50 pourcent de mortalité infantile tout de même)
Petite exploit toutefois, c’est la seule fois que je vois un couple avoir deux grossesses gémellaire, puisque Hortense Eulalie et Joseph Frederic sont également faux jumeaux. Seul le garçon survit.

L’ascendante en ligne directe du côté de mon épouse est la troisième fille Julie Eugénie. Mais pour une fois on va s’attacher à la destinée de son frère Edouard Parfait Fouquerolles.
La famille

Edouard Parfait est né le 17 avril 1796 à Gournay-sur-Aronde. Il est boulanger pâtissier et il se marie avec une anglaise vers 1824. Miss Marie-Anne Marguerite Skipp ou plutôt Mary Ann Margareth.
Le couple habite au nord de Londres dans le comté de Hertfordshire, dans le district de Ware à Old Hall Green soit à Puckeridge selon les sources.

Old Hall Green se trouve à une trentaine de miles au nord de Londres, et à peu près autant au sud de Cambridge. C'est la campagne anglaise. Voilà ce qu'en dit "The Comprehensive Gazetteer of England - Wales, 1894-5" :
"Old Hall Green, Hertfordshire
Description historique
Old Hall Green, un endroit dans l'est de Herts, un mile sud-est de Puckeridge, un mile à l'ouest de Standon, et cinq miles nord nord-est de Ware. Il a un bureau de poste sous Ware, un mandat et un bureau de télégraphie, Puckeridge. Le collège catholique romain de Saint-Edmund a été fondé en 1799 à Hare Street. La chapelle du collège, avec le réfectoire et la bibliothèque, ont été conçues par A. W. Pugin. Le collège compte quelque 14 professeurs et environ 120 étudiants. Il y a aussi une petite chapelle catholique romaine pour le village et un lieu de sépulture catholique romain."

C'est en effet un hameau composé d'une dizaine de maisons à côté du collège de St Edmund. Pourquoi un boulanger pâtissier de Gournay s’est retrouvé à cet endroit vers 1824, c’est le mystère total. A-t-il travaillé au collège, à Puckridge, ou Standon, les premières villes avec des commerces.
Circonstance du départ
Rappel des principaux faits politiques en France :
L’empire s’est terminé en 1815 avec l’exil de Napoleon 1er. C'est la restauration, Louis XVIII va régner de 1814 jusqu’à sa mort en septembre 1824. Il est remplacé par son frère Charles X. A la révolution de Juillet 1830 dite des trois glorieuses, Louis Philippe se retrouve roi des français jusqu’en 1852. Date à laquelle Napoléon III prend qui instaure le second empire.
A la vue des faits rien ne nous aide à comprendre son immigration en territoire britannique.
Ce qui est sûr c’est qu’en 1808, son frère aîné Thomas Magloire a déjà rejoint l’armée. Il est chasseur au 2e régiment de chasseurs à pied de la garde impériale, Il fait les campagnes de 1808 à 1812 en Espagne et au Portugal. Il quitte l’armée napoléonienne le 30 juin 1814. Nous perdons sa trace ensuite.

Son second frère Charles narcisse a déjà quitté le domicile familial en 1813 pour se marier avec Marie Putefin à Mery-la-Bataille (oise).
Notre boulanger a pu effectuer son service militaire de cinq années à l’âge de vingt ans en 1816. Ses parents sont vivants tous les deux et subviennent aux besoins de la famille, sa soeur cadette de 16 ans et son petit frère cadet de 8 ans. Seul un motif médical aurait pu le détourner de ses obligations militaires. Libérable en 1821, il serait alors parti en Angleterre pour ne revenir qu’entre le 1er juin 1836 et le 13 février 1839. Seule la raison nous manque.
La descendance
Ils vont avoir cinq enfants :
Frédéric Antoine nait en Angleterre en 1824. Son frère Narcisse Parfait nait également à Old Hall Green en 1826. Puis deux jeunes filles naissent toujours outre manche : Theodora Marguerite en 1829 et Joséphine Ursule en 1835.
Edouard Parfait Fouquerolles et son épouse britannique reviennent s’installer à Gournay-sur-Aronde après 1836. Ils habitent au n° 27 rue des Carrières.
Un dernier fils Edouard Charles Joseph nait le 13 février 1839 à Gournay sur aronde dans l’Oise. C'est le seul qui ne connaitra jamais le sol britannique.
La même année, les époux perdent leur fille aînée Theodora Marguerite âgée de dix ans, et l’année suivante en 1840, c’est Joséphine Ursule qui décède âgée tout juste de cinq ans à Gournay-sur-Aronde.
Au recensement de 1841, ils habitent avec leur trois fils.
En 1843, Antoine Fouquerolles et Madeleine Debacq, les parents d’Edouard Parfait décèdent tous les deux, âgés respectivement de quatre-vingt deux et quatre-vingt ans à une semaine d'interval.
Edouard Parfait est boulanger pâtissier mais visiblement son activité ne suffit pas. Alors Marie Anne Marguerite va également s’occuper d’enfants en tant que nourrice, en 1846, elle a en charge deux nourrissons, un enfant de deux ans et son neveu d’un an. Son autre neveu Frédéric Hubert âgé de 22 ans, ouvrier maçon, est hébergé son oncle et sa tante. Mais il travaille certainement sur un chantier en dehors de la commune, c'est pourquoi 'il soit noté absent lors du recensement.

Leur plus jeune fils Edouard Charles Joseph habite chez ses parents jusqu’au décès de son père Edouard Charles Joseph en 1858 à l’âge de 64 ans et jusqu’à son propre mariage en 1864.
Marie-Anne Marguerite Skipp, veuve Fouquerolles est nommée "marchande d’échaudés" au décès de son mari :

« ...Audit Gournay, rue des carrières n°27, Edouard Parfait Fouquerolle âgé de soixante quatre ans marchand pâtissier, native de cette commune et y demeurant époux Marie-Anne Marguerite Skipp âgée de soixante quatre ans, marchande d’échaudées... »

Frédéric Antoine l'Aîné
Leur fils ainé Frédéric Antoine a entamé des études de pharmacie. Il demeure à Saint-Germain-en-Laye quand il se marie à Versailles en 1852 avec la petite fille du révolutionnaire Fabre d’églantine Philippe François Nazaire : Hélène Hostie Nazaire Fabre d’églantine.
Ascendance de d'Hélène :

Le grand-père Philippe François Nazaire Fabre d’églantine (1750 - 1794) – Auteur-comédien ambulant, Le célèbre « Il pleut, il pleut bergère » est tiré d'une de ses opérettes.
Membre du club des jacobins, Il se lie d’amitié avec Danton. Élu député de Paris à la Convention, il fait adopter par l'Assemblée son calendrier républicain, le 25 octobre 1793.
Il est accusé de trahison pour avoir participer à L'affaire de la liquidation de la Compagnie des Indes (orientales) en falsifiant des preuves. il est arrêté le 18 mars 1794, jugé en même temps que les dantonistes, le 30 mars, et guillotiné le 5 avril avec Danton.
Le père : Louis Théodore Jules Vincent Fabre d’églantine (1779 - 1840)
Il est le fils de Philippe François Nazaire Fabre (Fabre d’Eglantine) et de Marie-Anne Nicole Godin. Il se marie avec Agiatis Sambat en 1798, la mère d'hélène.
Il est né le 12 octobre 1779 à Maastricht. Polytechnicien, il embrasse une carrière militaire dans le génie maritime, il devient ingénieur de troisième classe, au port de Toulon. Il est ensuite capitaine en 1er à Boulogne.
Devenu ingénieur-constructeur, il conçoit de nouveaux bateaux pour le débarquement du matériel lors de l’invasion de l’Algérie en 1830 sous Charles X.

Frédéric Antoine, après le décès de sa premier épouse à l’illustre ascendance, se remarie à Courbevoie en 1865 avec Henriette Donze qui est caissière. Et il s’installe définitivement en région parisienne au Raincy. Il y est pharmacien et il vit avec sa seconde épouse et ses deux domestiques. On ne lui pas connaît de descendance.
Narcisse Parfait le puiné
Quant à son frère Narcisse Parfait, après son passage dans l’armée à Verdun, il épouse comme son père une anglaise Mary Ann Bishop à Paris en 1854. Anne Bishop est originaire de Londres (Ancien comté de middlessex rattaché en 1889 à Londres).
Ils vont avoir sept enfants qui naissent pour les cinq premiers à Persan dans l’Oise. Narcisse Parfait est en effet contremaitre dans l’usine de caoutchouc à Persan depuis au moins 1854 date de la naissance de sa première fille.
Cette usine appartient à la India-rubber, gutta-percha and telegraph Works, Cie limited. Cette société britannique a été fondée en 1837. Elle s’est implantée à Saint-Denis (93) en premier, puis a été transférée à Persan-Beaumont.


Cette usine existe encore à Persan-Beaumont, elle appartient à la société Hutchinson.
Leur avant dernière fille, Marie Léonie Jane, nait à Londres en 1866. Le petit dernier Narcisse Parfait Charles nait en 1869, dans le Loiret à Châlette-sur-Loing près de Montargis. Le père, Narcisse Parfait, âgé de quarante-deux ans travaille toujours pour ce qui est la société Hutchinson sur leur site historique en France de l’usine de L'anglée.

Ils demeurent à Chamalière près de Clermond-ferrand vers 1872, très certainement pour y travailler dans les usines de Michelin.
En fin de carrière, Narcisse Parfait revient s’installer en région parisienne, Rue pouchet en 1878 puis au 37 rue des acacias dans le 17e arrondissement.
Edouard Charles Joseph le cadet
Le dernier frère, Edouard Charles Joseph est le seul qui va rester fidèle à Gournay-sur-Aronde, Il va s’y marier en 1864 avec Julia Desmazure. Il n'a pas repris le flambeau de la boulangerie puisqu'il est manouvrier (ouvrier agricole). Ils auront une descendance de cinq enfants. Deux garçons (Joseph et Henri) et trois filles (Adele Ambroisine, Henriette et Antoinette) qui eux se marient exclusivement avec des français et des françaises.
Pâtisserie à l'anglaise
Notre boulangère anglaise vendait en 1858 des échaudés. Mais qu’est ce qu’un échaudé ?
C’est n'est pas une pâtisserie anglaise mais une pâtisserie d’origine médiévale dont on retrouve la trace dès 1202 selon le journal des confiseurs paru en 1895. Il doit son nom à sa préparation, cuit à la vaoeur puis au four. (En ancien français eschalder « échauder, passer à l'eau chaude » ; du latin excaldare « mettre dans l’eau chaude »)

Celui qui l'a popularisé semble en être un certain Favart qui fut un pâtissier et dont la boutique à Paris connut une grande vogue a l’époque entre le 17e et le 18e. il s’est basé sur une recette ancestrale du Languedoc mais en y ajoutant de la potasse, c’est à dire du bicarbonate pour le rendre plus lèger.
Cet espèce de beignets est d’abord cuit a l’eau et puis au four avec cette différence que l’échaudé doit être soufflé par la vapeur au lieu de se gonfler dans la friture.
L’échaudé a pris la forme caractéristique triangulaire même s’il existe un peu partout en France sous différentes formes. Aujourd’hui, il existe encore une version aromatisé à l’anis à Carmaux dans le Tarn.

L’échaudé bien que presque disparu, se retrouve un peu partout dans norte histoire de France et pas seulement dans nos manuscrit de cuisine :
dans les dictionnaires de pâtisserie bien sûr :


Chez les grands écrivains gourmands et passionnés comme Alexandre DUMAS:

Dans les noms de rue comme à paris dans le 6eme arrondissement pour cerner un pâté de maison triangulaire avec la rue de Seine et la rue du Four dans le sixième arrondissement :

Dans l’art thêatral et lyrique en devenant un héros de l’opéra. Jacques Offenbach lui consacre en effet un air dans « Madame Favart » :

Quand du four on le retire,
Tout fumant et tout doré,
Aussitôt chacun admire
Le gâteau bien préparé ,
Il a fort belle apparence,
On est pressé d’en manger,
Mais pour de la circonstance,
Il n’en faut pas exiger.
Mettez-le dans la balance,
C’est léger, léger, léger, léger, léger. (bis)
L’air, chanté par le tout Paris fait allusion au métier de Charles-Paul Favart, beau-père de l’héroïne de cet opéra. Au XVIIIe siècle, à Paris, rue de la Verrerie, ce même pâtissier qui avait fait de l’échaudé sa spécialité.
Les échaudés sont enfin dans la peinture. On les retrouve dans certaines natures mortes du XVIe au XIXe siècle.

RECETTE
Si vous souhaitez vous lancer dans la pâtisserie d'autrefois, voici la recette modernisée de ce monsieur FAVART que partage le Blog « La,cuisine du 19eme ».
PÂTE À ÉCHAUDÉ DE FAVART .
Proportions : 500 gr. de farine , 150 gr. de beurre , 8 à 9 œufs , une pincée de sel , une pincée de bicarbonate.
Faites la détrempe sur une table, en opérant comme pour la brioche, mais en tenant la pâte plus ferme. Mettez-la dans une terrines , couvrez et faites reposer 4 à 5 heures dans un lieu frais. Abaissez-la ensuite sur le tour, en bandes de 3 centimètres de largeur; coupez ces bandes en morceaux de 4 à 5 centimètres de longueur; arrondissez légèrement les morceaux, posez-les debout sur une grille en fer blanc percée de petits trous et beurrée.
Faites bouillir une casserole d’eau, retirez-la sur le coté , plongez la grille dans l’eau; tenez-la ainsi jusqu’à ce que les morceaux de pâte montent; enlevez-les à l’écumoire, mettez-les dans un grand récipient d’eau froide; faites-les dégorgez 4 à 5 heures.
Égouttez-les ensuite, laissez-les bien sécher à l’air; ranger-les alors à distance les unes des autres, sur une plaque à échaude ( plaque en fonde plate ) sur un papier sulfurisée, cuisez-les à four chaud (180 degré, 15 minutes).
Bonne dégustation




Commentaires